Être IEN demande de savoir dialoguer

Anne Joly, Inspectrice de l'éducation nationale, vient de prendre sa retraite après 40 années d’exercice dans l’Éducation nationale, dont quinze ans dans la fonction. Quel a été son parcours, où sont ses meilleurs souvenirs, quelles sont les qualités d'un IEN selon elle ?

Institutrice, animatrice REP, conseillère pédagogique

Anne Joly est arrivée dans le Nord, venue de son sud-ouest natal, alors qu’elle était en terminale. Bien décidée à en repartir dès que possible, elle s’était promis de ne jamais être enseignante ! « Et puis voilà, j’ai rencontré celui qui est mon mari, je suis devenue institutrice pour vivre avec des enfants et je suis toujours dans le Nord. Au fond, un parcours cela ne se décide pas. » Ainsi a débuté le chemin professionnel d’Anne Joly, semé de projets forts et de virages marqués : « Dès que j’étais installée dans une fonction, je m’ennuyais et une question montait en moi : « A quoi est-ce que je sers vraiment ? ». J’ai donc cherché à apporter plus à l’enfant, à l’élève « au centre des apprentissages et des relations à l’école ». J’ai travaillé avec l’ICEM pour l’échange et l’enrichissement des pratiques, puis avec le groupe « apprendre » pour le questionnement et la création de ressources pédagogiques. Je suis devenue animatrice REP, puis conseillère pédagogique. J’ai obtenu un DEA en sciences de l’éducation et donné des cours à l’université. »

IEN

Puis elle a eu le concours d’IEN ; fille d’IPR, elle a plutôt fui le second degré. Bien plus tard, déjà IEN, Anne Joly s’est investie dans le suivi des enfants placés, très vite elle est devenue présidente du Conseil de familles, une instance placée sous la responsabilité du Conseil départemental, (la cohésion sociale s’appelait DDASS autrefois). Une mission qui l’a conduite, encore plus tard, à devenir juge assesseur auprès du juge du tribunal pour enfants. Elle insiste sur le maillage entre ces missions au service de l’enfance et sa fonction pour l’éducation nationale, fonction qu’elle a quittée un peu plus tôt que prévu, pour diverses raisons.

Construire des passerelles

Anne Joly a beaucoup aimé son métier d’Inspectrice de l’éducation nationale. Pour elle, une des missions les plus importantes dans la fonction est de faire en sorte que les lois soient comprises et appliquées, ce qui nécessite d’accompagner. « C’est avant tout un métier de rencontres. Être IEN demande de beaucoup écouter, d’être extrêmement disponible et de savoir dialoguer avec les enseignants, les élus, les familles.
Je privilégiais les inspections d’écoles, visant les occasions de contractualiser des pratiques professionnelles avec les équipes. » Elle ose regretter l’effacement de l’école dans un fonctionnement puisant bien des sources au collège ; elle dénonce quelque peu le rythme de travail de plus en plus exigeant, parfois au détriment de l’écoute des acteurs.
Ses meilleurs souvenirs ? Anne Joly hésite. Il y en a eu tant, lors de ses passages d’enseignante, de conseillère, puis d’IEN dans cinq circonscriptions. Elle se souvient du dynamisme de travail en recherche-action à Hem autour d’un travail sur les aménagements de l’espace et du temps du très jeune enfant (avec un pilotage d’après Hubert Montagner). Un défi des années 80 quand il a s’agit de scolariser les plus jeunes et d’éduquer à la parentalité en accueillant de multiples nationalités : « Nous étions les précurseurs des classes-passerelles. Nous enseignions la langue française aux mamans pendant l’heure de la sieste des plus jeunes, nous avions imaginé des ateliers parents-enfants, dont « la cuisine de tous les pays » alliant le dire et le faire : un livre de recettes du monde a été publié. »

Elle a aussi beaucoup aimé conseiller, former et inspecter. Inspecter sans jamais s’asseoir au fond de la classe : elle privilégiait l’observation des élèves au travail pour valider les pratiques des adultes, tant à l’école primaire, qu’au collège. Un excellent souvenir est lié au jour où, à la fin de l’entretien, une professeure des écoles lui a appris : « J’étais votre élève, il y a longtemps. C’est grâce à vous que je fais ce métier. » Elle pense avec émotion au dernier soir de juin où ses anciens collègues, enseignants, conseillers, IEN, sont venus de partout pour la saluer et fêter ce départ.
Aujourd’hui, Anne Joly souhaite profiter du temps soudain plus large pour écrire, voyager, marcher, suivre des cours de philosophie à l’université du temps libre ; elle continue bien sûr de s’inscrire avec force dans la défense de l’enfance la plus démunie, en remerciant ceux qui ont entendu ses appels et tenté d’y apporter quelques réponses, malgré les barrières de tous les protocoles institutionnels.