Le gouvernement a présenté le 28 septembre 2020 les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2021. Premiers décryptages par le Sgen-CFDT.

Le budget 2021 tel qu’il se dessine dans les présentations gouvernementales comprend à la fois des mesures intéressantes pour le système d’éducation, de formation et de recherche et aussi des angles morts. Pour le Sgen-CFDT, il ne permettra pas de relever les défis auxquels nous sommes confrontés et que la situation sanitaire, économique et sociale actuelle aiguise.

Clés de compréhension

  • Budget de l'Éducation nationale
  • Budget de l'Enseignement supérieur et de la recherche
  • Budget de l'enseignement agricole technique et supérieur
  • Budget Jeunesse, Sports et vie associative

Budget 2021 : Éducation nationaleBudget 2021 pour l’éducation, la formation, la recherche, la jeunesse et les sports

Au niveau global, il n’y a ni suppressions, ni créations d’emploi au budget de l’Éducation nationale.

Le budget, en hausse de 1,6 milliards d’euros doit permettre de continuer à donner la priorité au premier degré, d’amorcer la revalorisation des agents avant une loi de programmation pluriannuelle.

Début de revalorisation

Une enveloppe de 400 millions d’euros est prévue en 2021 pour démarrer la revalorisation des personnels d’enseignement et d’éducation. Les mesures doivent démarrer courant 2021 et auront en fait un coût en année pleine de 500 millions d’euros.

Cela s’ajoute à la poursuite de la mise en œuvre du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunération – PPCR – (26 millions d’euros de plus qu’en 2020) et de la dernière tranche de revalorisation de la prime REP+. Surtout, c’est la première étape d’une revalorisation qui doit s’inscrire dans la durée.

La première étape d’une revalorisation qui doit s’inscrire dans la durée. Pour le Sgen-CFDT, elle doit concerner tous les personnels…

Le Sgen-CFDT demande depuis l’ouverture de discussions en vue de la revalorisation qu’elle concerne l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale. Pour le moment, les documents gouvernementaux ne permettent pas d’avoir une information claire sur les enveloppes budgétaires pour les différentes catégories de personnels alors que l’agenda social concerne bien tous les agents de l’Éducation nationale.

Priorité au premier degré : des questions sur les mesures

Le gouvernement poursuit la priorité au premier degré dans la répartition des moyens :

  • créations de 2 000 postes de professeur.e.s des écoles,
  • accompagnement des communes dans le cadre de l’abaissement de l’âge de scolarité obligatoire à 3 ans.

Pour le Sgen-CFDT, donner une priorité au premier degré est légitime. La France est l’un des pays de l’OCDE qui consacre le moins de moyens à l’enseignement dans le premier degré.

Une priorité légitime, des choix qui posent questions…

Cependant, les mesures choisies par le gouvernement depuis 2017 posent question :

Le dédoublement des classes en REP et REP+ en grande section, CP et CE 1, la limitation à 24 élèves progressivement hors éducation prioritaire dans ces mêmes niveaux de classe améliorent les conditions d’apprentissage des élèves, et de travail des enseignant.e.s dans ces classes. Cependant, on observe ailleurs une augmentation du nombre d’élèves par classe. On a aussi quasiment mis un terme au dispositif « plus de maîtres que de classes » qui permettait de faire collectif dans les écoles, sans disposer d’évaluations des politiques publiques permettant d’affirmer radicalement que le dédoublement soit plus efficace que le dispositif PDMQDC.

Diminution de la taille des classes et PDMQDC gagneraient à être deux dispositifs complémentaires.

La priorité au 1er degré est légitime mais les moyens sont ciblés sur la maternelle et les niveaux CP et CE1 des REP et REP+ comme si les difficultés s’évaporaient à l’issue de ces niveaux. Il faut permettre la poursuite de l’accompagnement et le PDMQDC aurait toute sa place pour les niveaux suivants et partout.

Une partie des 2 000 postes créés doit aussi permettre qu’il n’y ait pas de fermeture de classes dans les communes rurales… sans réflexion pour autant sur l’aménagement du territoire, ni sur l’impact de cette mesure sur la taille des classes en zone urbaine.

Les capacités de remplacement dans le premier degré ne sont toujours pas reconstituées…

Ce faisant aussi, le gouvernement ne reconstitue toujours pas les capacités de remplacement dans le premier degré. La situation déjà tendue en temps « normal » limite les possibilités de départs en formation continue et de remplacement des directeurs et directrices qui ne sont pas déchargé.e.s. Non seulement, le système éducatif et les conditions de travail des professeur.e.s des écoles ne s’amélioreront donc pas, mais en plus, en période épidémique, la mise en tension de toutes et tous risque encore de s’accroître.

Intensification du travail à la clé dans le second degré

Dans le second degré, le gouvernement prévoit de supprimer 1800 postes d’enseignant.e.s. Ces 1800 suppressions sont en fait des transformations en heures supplémentaires.

L’équivalent de 2 800 postes injectés sous forme d’heures supplémentaires dans le 2nd degré !

1 000 équivalents temps pleins d’heures supplémentaires sont aussi prévus pour augmenter les capacités d’accueil d’élèves dans la voie professionnelle, et d’étudiant.e.s en BTS et dans les formations à bac+1 correspondant à des mentions complémentaires. Ce sont donc au total l’équivalent de 2 800 postes qui sont injectés sous forme d’heures supplémentaires dans le second degré.

Cela va aboutir à une intensification du travail que le Sgen-CFDT dénonce.

Dans le second degré, le gouvernement ne se donne pas non plus les moyens de renforcer les capacités de remplacement alors que la période actuelle en accroît le besoin. Alors même que le ministre de l’Education nationale dit souhaiter développer la coopération et le travail en équipe, intensifier le travail en augmentant de fait le temps d’enseignement, c’est pour le moins une politique contradictoire qui est conduite.

Le service public d’enseignement a besoin de plus d’enseignants.e.s, pas d’heures supplémentaires.

Finalement, à quoi bon prioriser le 1er degré si, dans le second degré (collège, LGT, LP), on ne peut pas maintenir de bonnes conditions d’apprentissage pour les élèves, ni de bonnes conditions de travail des enseignant.e.s  pour faire face aux difficultés persistantes de certains élèves ou aux difficultés qui apparaissent ou resurgissent à ces niveaux d’enseignement ?

L’exigence de réussite des élèves dans leur parcours nécessite une charge de travail raisonnable que les heures supplémentaires ne font qu’alourdir au détriment d’un accompagnement pédagogique de qualité. Le service public d’enseignement a besoin de plus d’enseignants.e.s, pas d’heures supplémentaires.

École inclusive et AESH

Le gouvernement a beaucoup communiqué sur la création de 4000 postes supplémentaires d’AESH en équivalent temps plein. C’est une bonne nouvelle pour mieux donner suite aux préconisations faites par les MDPH.

Des postes supplémentaires mais ni revalorisation ni amélioration des conditions d’emploi et de travail…

Cependant, pour les accompagnant.e.s d’élèves en situation de handicap, déjà en poste ou à venir, cela ne permet pas pour autant d’assurer des emplois à temps complet, une meilleure rémunération horaire, ni une meilleure gestion en termes de ressources humaines.

Pour le Sgen-CFDT, le gouvernement doit s’organiser dès 2021 pour revaloriser la rémunération des AESH et améliorer leurs conditions d’emploi et de travail.

Pour les autres emplois, pas d’amélioration à venir

Les documents du gouvernement et du ministère sont tout simplement silencieux sur les personnels qui ne sont ni enseignant.e, ni AESH… Outre que cette invisibilisation des agents est assez difficile à supporter, cela signifie qu’il n’y aura certes pas de suppressions mais pas non plus de créations d’emplois alors même que les conditions de travail sont dégradées ou que des missions vont se renforcer.

C’est donc à la clé aussi pour ces agents une intensification du travail que le Sgen-CFDT dénonce.

Quelques mesures liées au plan de relance

Le dossier de presse publié par le ministère de l’Éducation nationale précise que 152 millions d’euros sont issus du plan de relance.

Ils seront consacrés aux internats d’excellence, aux cordées de la réussite et à la poursuite d’études pour les bacheliers lauréats de la session 2020 et pour les CAP en 3 ans (sans doute une partie des 1 000 équivalents temps plein qui seront en réalité des heures supplémentaires). C’est bien peu.

Ces mesures, pour une partie, alimentent l’intensification du travail pour les personnels du second degré et sans doute singulièrement les PLP.

Concernant les internats d’excellence et les cordées de la réussite, pour le Sgen-CFDT cela participe d’une vision du mérite qui ne peut se substituer à une politique ambitieuse de lutte contre les inégalités socio-scolaires.

Bref, pour le Sgen-CFDT, le budget de l’Éducation nationale est certes en augmentation sensible mais cela reste en deçà d’un investissement massif pour l’éducation et la formation des jeunes que nous revendiquons, et les mesures prises ne permettent pas toute l’amélioration du service public et certaines vont dégrader les conditions de travail des agents.

Enseignement supérieur et recherche

En cours de rédaction.

Budget 2021 pour l’éducation, la formation, la recherche, la jeunesse et les sportsEnseignement agricole technique et supérieur

Enseignement technique agricole : un budget en régression !

80 suppressions de postes en 2021 : l’enseignement technique ne semble pas être une priorité du ministère…

Après avoir créé 822 ETP entre 2013 et 2017 le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a supprimé 190 ETP dans l’enseignement technique agricole public depuis 2018. La régression s’accélère : 50 postes supprimés en 2019, 60 en 2020, 80 en 2021.

Une future revalorisation salariale pour les enseignant·es ?

La masse salariale de l’enseignement technique n’augmente pas d’un centime d’euro en 2021. Le ministre affirme que les enseignant·es de l’enseignement agricole public bénéficieront des mesures de revalorisation qui seront prises par le ministère de l’Éducation nationale… Pourtant, rien n’est visible dans le budget du ministère de l’agriculture. Faudra-il attendre 2022 ? Le Sgen-CFDT dénonce ce manque de prévision.

Situation des contractuels : Déprécarisation et revalorisation

Si le ministre de l’agriculture a évoqué un plan de « CDIsation », rien n’est prévu au budget 2021 pour déprécariser, titulariser et revaloriser les très nombreux.ses contractuel.les.

Un effort sur l’accueil des élèves à besoin particulier

Plus 17 millions d’Euros seront consacrés à cet objectif. Par ailleurs 25 ETP d’AESH seront CDIsés.

Pour en savoir plus : Budget 2021 : enseignement technique agricole et budget global

Enseignement supérieur agronomique, vétérinaire et du paysage

Un petit signe positif… mais seulement 18 créations de postes prévues en 2021

Après 4 ans de stabilité, l’enseignement agricole supérieur bénéficie de la création de 18 ETP.  Dans le contexte des restrictions budgétaires, on pourrait s’en satisfaire… Il n’en est rien…

Tout d’abord, ces 18 postes sont nécessaires pour mettre en place une réforme des études vétérinaires avec des prépas intégrées, c’est-à-dire que les autres versants ne verront aucune création de poste.

Ensuite, le Sgen-CFDT aurait voulu que l’élan réel en faveur de la recherche (plus 25 milliards sur 10 ans) dans le cadre de la Loi de Programmation Pour la Recherche (LPR) se traduise dès cette année par des créations de postes et non par la multiplication de contrats précaires.

Augmentation de la masse salariale

La masse salariale de l’enseignement supérieur agricole augmente de 2,5%. Une augmentation liée selon le ministre de l’agriculture à l’application des mesures de revalorisation de la rémunération des personnels prévue dans le cadre de La Loi de Programmation Pluriannuelle pour la Recherche (LPPR).

Déprécarisation, CDIsation et revalorisation

Rien n’est prévu dans le budget 2021 pour déprécariser, titulariser et revaloriser les très nombreux contractuels.

Pour en savoir plus : Budget 2021 du ministère de l’agriculture : enseignement supérieur et budget global

Budget 2021 pour l’éducation, la formation, la recherche, la jeunesse et les sportsJeunesse, Sports et vie associative

Jeunesse, engagement et vie associative

Le budget consacré à la Jeunesse et à la vie associative sera de 699 millions d’euros en hausse de 6 %, soit 39 millions d’euros de plus qu’en 2020.

La montée en charge du SNU représente à elle seule 31 millions d’euros d’augmentation. Pour encadrer en 2021 25000 jeunes volontaires l’Etat engagera 61 millions d’euros en 2021.

Le Fonds de développement de la vie associative n’est doté que de 33 millions d’euros et le Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire que de 39 millions d’euros.

Pour le Sgen-CFDT , le budget pour les politiques jeunesse et vie associative devraient être davantage tourné vers le soutien à la vie associative et à l’engagement volontaire des jeunes plutôt qu’au SNU.

Des créations de postes attendues par les personnels dont les conditions de travail ce sont dégradées…

La perspective de la création de 1000 emplois supplémentaires est bienvenue et est attendue par des personnels dont les conditions de travail se sont dégradées ces dernières années. La multiplication des missions nouvelles, la juxtaposition des dispositifs et leur montée en charge ont abouti à une surcharge de travail, et à la la perte de sens faute d’avoir toujours le temps d’un réel appui aux acteurs locaux dans la conception et la mise en œuvre de politiques jeunesse.

Sports

Le projet de budget 2021 dote le périmètre Sports de 802 millions d’euros, 20 % de plus qu’en 2020.

Cette augmentation est en trompe l’œil :

La première explication de cette hausse tient aux échéances olympiques, puisqu’en prévision des Jeux de Paris 2024, 225 millions d’euros (+ 75%) sont alloués à la société de livraison des ouvrages olympiques pour financer la réalisation des infrastructures.

Le deuxième facteur de hausse du budget global sport s’explique par le bond des moyens d’intervention au profit de l’Agence nationale du sport, en principe un opérateur du ministère délégué des sports, mais qui tend en réalité à s’en affranchir car cette agence dispose de sa gouvernance propre, avec un conseil d’administration, au sein duquel l’Etat n’est pas majoritaire, qui prend ses propres décisions souveraines.

L’administration du ministère des sports ne disposerait donc en réalité que d’un budget de 212 millions d’euros…

L’Agence nationale du sport, qui va bénéficier de l’essentiel de l’enveloppe du plan de relance, verra en effet en 2021 ses moyens atteindre 365 millions d’euros, soit une hausse de près de 30%. Au sein cette enveloppe destinée à l’Agence, 90 millions sont alloués à la haute performance sportive, autour d’un projet porté par son manager général, Claude ONESTA, intitulée « Ambition bleue », dont la vision clairement élitiste ne saurait nous convenir. Sur 2700 sportifs de haut niveau jusqu’alors accompagnés par l’Agence, seuls moins de 400 bénéficieraient désormais d’aides conditionnées par leurs résultats.

L’administration du ministère des sports ne disposerait donc en réalité que d’un budget de 212 millions d’euros, ce programme couvrant non seulement les actions du ministère, mais aussi la subvention aux établissements publics (INSEP, CREPS, écoles nationales) et la prise en charge des quelque 1500 conseillers techniques sportifs dont le projet de détachement aux fédérations sportives, aujourd’hui apparemment abandonné, avait mis le monde sportif en émoi.

Il est à craindre que le ministère en charge des sports ne dispose plus des leviers nécessaires à son action…

Même si le dossier de presse du ministère de l’Éducation, de la jeunesse et des Sports affiche des ambitions fortes :

  • Soutien aux clubs et aux fédérations pour faire face à la crise déclenchée par l’épidémie de covid 19
  • Ambition pour la haute performance
  • Investissement dans les équipements et centres de préparation en vue des jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024
  • Impulsion pour favoriser le sport santé
  • Lutte contre le dopage
  • Prévention des dérives via des campagnes de sensibilisation

…. il est à craindre que le ministère en charge des sports ne dispose plus des leviers nécessaires à son action. Alors que le budget de l’Agence Nationale du Sport équivaut presque à la moitié des crédits prévus pour le ministère des Sports, les engagements en faveur du développement du sport et des activités physiques et sportives pour toutes et tous restent faibles et soumis aux aléas d’une mise en oeuvre effective qui repose essentiellement sur d’autres acteurs : mouvement sportif et collectivités principalement.

Les engagements en faveur du développement du sport et des activités physiques et sportives pour toutes et tous restent faibles…

Dans ce périmètre aucune création d’emploi n’est prévu alors même que le Gouvernement va solliciter les agents fortement aussi bien pour les JOP de Paris 2024, pour contrôler les clubs, mener des actions de sensibilisation, de prévention des violences, notamment sexistes et sexuelles et contre la radicalisation, ou pour créer de nouveaux liens entre l’École et les acteurs du monde sportif en complément de l’enseignement de l’EPS. Pour le Sgen-CFDT, il manque un schéma d’emplois cohérent avec les ambitions politiques affichées.


BILAN

Des efforts budgétaires indéniables même si cela reste loin de l’investissement dans l’avenir que le Sgen-CFDT appelle de ses vœux depuis plusieurs mois désormais.

Pour en savoir plus :