Olivier Henry, CPE : repenser la façon de travailler même si le contact humain est essentiel

Olivier HENRY exerce son métier à la cité scolaire Laure Gatet de Périgueux, il nous livre son constat, ses réflexions sur la période écoulée et celle à venir.

Olivier Henry, CPE : repenser la façon de travailler même si le contact humain est essentielOlivier est titulaire d’un poste de CPE en LGT, ce lycée compte un effectif de 950 élèves (dont 130 internes) répartis sur les trois baccalauréat généraux, STMG et trois sections de BTS.

 

En tant que CPE comment as-tu vécu la période de confinement?

Je retiens deux aspects de cette période inédite, le télétravail lequel a consisté en une gestion importante de courriels via la messagerie professionnelle. L’utilisation du logiciel Pronote à domicile n’a pas été une nouveauté car je l’utilisais déjà auparavant.

En revanche la nouveauté a résidé dans le volume de travail à effectuer à la maison, téléphoner depuis le domicile a mis en évidence le problème de la confidentialité des échanges.

Dès le début du confinement j’ai pu apporter mon soutien aux collègues enseignants…

Dès le début du confinement j’ai pu apporter mon soutien aux collègues enseignants en les aidant par exemple à configurer les documents pédagogiques au format numérique, un format pouvant être exploité par les élèves. Cela a donné lieu à des débats portant sur les priorités à définir en termes de travail à donner aux élèves.

Par ailleurs, j’ai dû organiser avec ma collègue le télétravail des Assistants d’éducation (AED) auxquels nous avons transmis les coordonnées des élèves à suivre.

 

Quelles conséquences ce confinement a-t-il eu sur les élèves et leurs parents ?

Travailler ensemble s’est vite avéré problématique pour nombre d’entre eux pour plusieurs raisons : ordinateur partagé, connexion partagée, difficulté pour s’isoler, zone blanche, etc…

Pour près de 70% d’entre eux, l’incidence de la période a été minime car les élèves maîtrisaient déjà les outils (ordinateur personnel, environnement numérique) et ont été bien accompagnés par leurs professeurs et leurs parents. En revanche pour 5 à 7% d’entre eux, cela a accru les difficultés, ce pourcentage d’élèves correspond au taux d’absentéisme ordinaire des élèves décrocheurs. Pour les autres, s’ils se sont accrochés, ça a été une période extrêmement difficile.

Les élèves ne s’investissent pas uniformément selon les matières mais cela ne fait pas d’eux des décrocheurs.

Cependant j’ai constaté que certains élèves ont été ponctuellement absents de certains cours en ligne sans pour autant décrocher des cours fondamentaux. Cette forme de sélectivité est finalement conforme à ce que l’on constate en présentiel : les élèves ne s’investissent pas uniformément selon les matières mais cela ne fait pas d’eux des décrocheurs.

Il est intéressant de constater que les élèves phobiques se sont révélés être relativement présents sur la période alors qu’ils ne venaient quasiment plus en cours.

 

Quels ont été les liens que tu as entretenus avec ces élèves et leurs familles ?

Essentiellement un lien écrit via le logiciel Pronote et la messagerie professionnelle mais aussi un lien direct via les appels téléphoniques quotidiens assurés par les AED. L’objectif était de reproduire le contact à distance que les AED entretenaient auparavant avec les élèves au sein du lycée et plus particulièrement de l’internat : entretenir un lien informel, créer un espace d’écoute offert aux élèves.

De mon coté je me suis concentré sur les situations les plus problématiques que j’ai suivies personnellement par téléphone.

 

Avec l’aide de quels moyens as-tu entretenu ces liens ?

Dès le début du confinement chaque élève qui en a exprimé le besoin a été équipé d’un ordinateur portable car il n’avait qu’un smartphone ou l’ordinateur familial déjà utilisé par le grand frère ou l’un des parents pour son télétravail. D’où l’importance d’affiner le recensement des élèves équipés d’ordinateur personnel.

L’idée à terme serait de dépasser la logique de PC dans les classes et de doter les élèves et les personnels d’un ordinateur portable.

 

Quelles relations entretiens-tu avec les élèves, les équipes durant cette période ?

Comme en situation de présentiel, de bonnes relations avec les élèves de seconde mais des relations plus distendues avec ceux des niveaux supérieurs (première, terminale, BTS), à l’exception notable des membres de la MDL et de quelques élus CVL sollicités pour des visio avec des élus CAVL et la rectrice.

De même avec les équipes j’ai constaté une difficulté à communiquer avec tous les professeurs car certain.es ne communiquent pas suffisamment. On le sait depuis longtemps mais le confinement a mis cela en exergue.

 

Que penses-tu de ta charge de travail durant ce période au regard de celle d’avant le confinement ?

Ma charge de travail s’est sensiblement allégée mais elle a glissé vers des horaires jusque là dévolus au temps personnel (de 18 à 22 heures et tôt le matin). En tant que parent j’ai dû assurer la classe à mes enfant scolarisés en primaire et collège et j’ai vu par contre la charge de travail de ma compagne, enseignante, augmenter de façon considérable. En conséquence l’amplitude horaire a été plus importante malgré une charge de travail moindre.

 

Comment prépares-tu le dé-confinement et le retour des élèves ?

Nous sommes en attente de directives nationales mais la priorité a d’abord été accordée au retour des élèves de collège de notre cité scolaire(niveau 6ème -5ème). Nous nous préparons au retour des élèves de classe terminale qui ne vont pas être de suite admis au baccalauréat (moyenne de 8-10/20) ainsi qu’aux élèves de classe de première pour préparer les oraux de français. Mais il faudra être sûr de pouvoir compter sur la présence de tous les collègues de lettres dont beaucoup ont des enfants de moins de 16 ans et ne seront donc pas tenus de reprendre.

Mais globalement, il est compliqué de préparer le retour de certains élèves à une période de l’année où, traditionnellement, c’est plutôt leur départ que nous préparons (baccalauréat, orientation, réinscriptions, stages pour les BTS) ainsi que le rentrée de septembre.

 

Qu’est-ce que ton travail durant le confinement va changer dans ta pratique professionnelle demain et à partir de la rentrée de septembre ?

Même s’il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions, j’espère pouvoir continuer à distance une partie de ce qui se faisait en présentiel. Ce confinement pourrait être l’occasion de repenser la façon de travailler même s’il aura remis l’importance du contact humain au centre du jeu.

Par exemple, quand je me mets sur Pronote pour faire du suivi et de l’administratif et que je suis constamment dérangé, je vais faire en 4 heures ce que je ferais en 2 heures bien concentré chez moi ; cela pourrait dégager deux heures pour d’autres tâches en présentiel.

Je souhaite aussi que l’on puisse développer et généraliser les visioconférences car la rationalisation de la gestion du temps est un aspect important dans notre travail.

Je souhaite aussi que l’on puisse développer et généraliser les visioconférences…

Par exemple, je suis relais départemental vie lycéenne,  venir de Périgueux à Bordeaux ou travailler en visioconférence à une incidence à plusieurs niveaux (sécurité, économique, écologique). Nous l’avions déjà expérimenté par des visio entre élus CVL et CAVL avant le confinement. J’ai également suivi début mai une formation en 2 heures organisé par le Clemi sur les podcast ; en présentiel nous aurions été convoqués sur la journée.

Cela vaut aussi pour les activités syndicales.

En revanche, on s’est aperçu que les délégués, notamment en classe de première, ne sont plus forcément représentatifs en raison du peu de temps passé avec le groupe classe du fait de la réforme. Là où l’entraide entre élèves sous l’impulsion des délégués via leurs réseaux sociaux a pu fonctionner sur les enseignements de tronc commun, cela n’a pas du tout fonctionné sur ceux de spécialité.

En revanche en seconde, là où le tronc commun a été renforcé, ce rôle d’animation et de communication des délégués a plutôt bien fonctionné. On va devoir en tirer des conclusions sur la représentations des élèves en Première et Terminale si on veut conserver des délégués actifs, inventifs et investis.

Bilan de la période écoulée en quatre mots : inédit, anxiogène, numérique et solidaire.


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