Peut-on concilier confiance et circulaires injonctives ?

Les circulaires parues au BO ce jour font référence aux pratiques pédagogiques des professeurs des écoles. Elles sont pour le Sgen-CFDT une insulte à leur professionnalisme et à leur liberté pédagogique qui permet de différencier les apprentissages.

Les résultats nationaux et internationaux successifs mettent en évidence une fraction croissante des élèves se situant aux niveaux les plus faibles. À cela s’ajoute l’incapacité de notre système à réduire les inégalités qui en résultent sur l’ensemble de la population scolaire. Pour le Sgen-CFDT, ce ne sont malheureusement pas les nouvelles circulaires qui permettront de réduire ces écarts et de redonner confiance en l’école.

Bien qu’il affirme faire confiance aux personnels, le ministre fait le choix d’orienter les apprentissages fondamentaux en français et en mathématiques par des circulaires injonctives parues au BO.

Que ce soit le rapport du Cnesco ou le rapport Villani-Torossian sur lesquels s’appuient ces circulaires, l’interprétation qui en est faite est une déclinaison réductrice des programmes par cycle et du socle commun. Elle ne tient pas compte des situations particulières rencontrées dans chaque classe.

Circulaires mathématiques

Ces circulaires obligent à renforcer l’apprentissage du calcul et des situations-problèmes en mathématiques, en s’appuyant sur le rapport Villani-Torossian.

Pourtant, le rapport Villani-Torossian de février 2018 souligne la place fondamentale du premier degré. Il met notamment l’accent sur les pratiques pédagogiques basées sur la confiance, l’expérimentation, le jeu, le statut de l’erreur comme source d’apprentissage.

« Les situations expérimentales vécues par les élèves sollicitent leur créativité, développent leur motivation, encouragent leur esprit d’autonomie et d’initiative. »

« Les jeux, excellents outils pour décomposer-composer les nombres, et pratiquer le raisonnement ne sont pas assez utilisés.  Les jeux traditionnels (comme les échecs), les jeux à règles (jeux de cartes, jeux de plateaux pour les petites classes, jeux de l’oie, etc.) et les jeux de construction stimulent le raisonnement logique et contribuent à créer ou restaurer le plaisir de faire des mathématiques. »

Pour le Sgen-CFDT, il est inconcevable de réduire l’enseignement mathématiques à des consignes comme « le calcul mental doit faire l’objet d’une pratique quotidienne moyenne d’au moins quinze minutes » !  En affirmant que « la majorité des élèves aiment manipuler les nombres, calculer, c’est pour eux une forme de jeu », le ministre réduit la richesse des préconisations du rapport Villani-Torossian sur le jeu et revient à de vieilles lunes.

Apprentissage de la langue

La logique du socle implique une acquisition progressive et continue des connaissances et des compétences par l’élève. Cependant, les circulaires qui concernent la lecture et la grammaire,  sont elles aussi réductrices. Elles préconisent des pratiques ayant fait la preuve de leur inefficacité :

« veiller à circuler dans les rangs… », « assigner à chaque séance un objectif d’apprentissage précis », dictée quotidienne, alterner les temps individuels et collectifs… Ce ne sont là que quelques exemples de cette remise en cause de la capacité des enseignants à mettre en place des pédagogies adaptées à chaque élève.

Le rapport du Cnesco a pourtant défini clairement ce qui doit être des priorités : « il apparaît, en France plus que dans d’autres pays, un lien très fort entre les performances en lecture et le milieu socio-économique et culturel. » « L’apprentissage est un processus continu (tout au long de la vie)… Afin de compenser les inégalités socio-économiques, il faut impliquer, soutenir et accompagner les parents pour favoriser une interaction autour de l’écrit dans le milieu de vie des enfants… »

Pour le Sgen-CFDT, il est nécessaire de prendre en compte l’élève dans sa globalité et de favoriser l’ouverture culturelle et intellectuelle.

Un accompagnement constructif qui se fait toujours attendre

Pour le Sgen-CFDT l’accompagnement des collègues ne peut se réduire à ces circulaires injonctives. C’est d’abord, comme le précise le rapport Villani-Torossian pourtant cité en référence :

  • l’instauration d’un climat de confiance et de dialogue entre professionnels partageant des valeurs communes,
  • le développement des pratiques collectives, donc des pratiques d’équipe dans les écoles et établissements,
  • le recentrage de l’action des personnels d’inspection sur le cœur du métier d’accompagnement des enseignants.

Améliorer les résultats des élèves, notamment lors des évaluations internationales, c’est d’abord réduire les inégalités sociales. Aucune des mesures affichées dans ces circulaires ne vise clairement cet objectif.

Les pratiques pédagogiques proposées ne tiennent pas compte de l’école inclusive ni de la diversité des situations individuelles accueillies dans les classes et montre l’incohérence ministérielle totale.