Cette interview est la version complète de l'entretien paru dans Profession Éducation, le mensuel du Sgen-CFDT, n° 231 (octobre 2014)
Quel est ton métier ? / Présentation professionnelle et parcours ?
Agent de maîtrise responsable d’approvisionnement des restaurants universitaires sur la côte Basque. Recruté par le Crous de Bordeaux depuis novembre 1999.
Quel est ton parcours syndical ?
C’est en 2002 que je suis entré dans le syndicalisme au syndicat représentatif dans les CROUS qui me permettrait de pouvoir agir pour les Personnels Ouvriers, la CGT. Syndicat régional autonome faisant partie d’une Union nationale. en 2004 j’en deviens le secrétaire général, je suis également formateur syndical pour les Crous. En 2006 je suis secrétaire national adjoint de l’union, je siège dans toutes les instances régionales, nationales ainsi qu’au CCHS Ministériel.
Quelles ont été les raisons de ton engagement ?
Un ras le bol, une prise de conscience, les questions que me posaient les anciens. En fait plus précisément une « mamie » du Crous qui est venue me trouver avec la circulaire sur la réduction du temps de travail car il lui semblait que je saurais l’éclairer. Elle m’a également expliqué qu’elle en avait assez de se « faire marcher sur la tête » à longueur de temps par ses supérieurs, cela m’avait déjà interpellé.
Pourquoi le syndicalisme est important pour toi ?
Même si nul n’est sensé ignorer la loi, certaines sont faites pour rester illisibles, d’autres sont cachées. L’intérêt du syndicalisme c’est que sa pluralité, son espace de dialogue amènent chaque jour une portion de connaissance supplémentaire propice à l’action pour les personnels.
RETROUVER SES VALEURS
Qu’est ce que tu as découvert dans l’engagement ?
Le monde est fait d’une multitude d’individus, aucun n’a les mêmes compétences, les mêmes capacités. L’engagement nécessairement collectif du syndicaliste lui permet d’élargir son champ d’action. Mon engagement m’a procuré, me procure à nouveau de grandes satisfactions, la sensation de voir évoluer les choses et d’en être un des acteurs, le plaisir de donner de son temps, de transmettre des connaissances, d’être en somme.
Pourquoi avoir quitté la CGT ? Quelle a été ta déception ?
Je n’ai pas quitté la CGT par déception, j’ai mis fin à mon activité syndicale en 2011 après avoir passé la main en toute quiétude. Certains changements dans ma vie personnelle et la conviction qu’il faut aussi savoir se retirer ont primé dans ce choix.
Pourquoi avoir choisi le Sgen-CFDT ?
Je n’ai pas choisi le Sgen-CFDT, on m’a forcé… Certaines de mes anciennes « camarades » de la CGT ont démissionné car on ne leur donnait pas les moyens de s’investir pour les agents. Pire elles étaient tenues à l’écart de tout. Leur engagement, leur soif de défendre les personnels étaient tellement forts qu’elles n’ont pas su, pas pu rester les bras croisés. Elles m’ont alors demandé, compte tenu de mon expérience, de venir les épauler à la section du Sgen-CFDT qu’elles venaient d’ouvrir. J’ai dit oui, on ne dit pas non à son épouse !
Quel bilan du syndicalisme dans les CROUS ?
S’il n’existait pas il faudrait l’inventer, il a pendant de longues années été porteur de nombreuses évolutions majeures pour les personnels : carrières, métiers, salaires, primes font partie des batailles gagnées par nos anciens. Mais comme dans tout système l’hégémonie est un fléau pour ceux qui se sentent à l’abri de tout ; la tête, les chevilles enflent. Ils ne veulent plus porter le chapeau et ne peuvent plus mettre que des tongs, seuls les lauriers comptent.
IL FAUT IMPÉRATIVEMENT UN CONTRE POUVOIR
Pourquoi faut-il des syndicats dans les CROUS ?
À cause du particularisme même des CROUS, de leurs personnels qui sont en majorité des CDI de droit public gérés, non : plutôt dirigés par des personnels administratifs fonctionnaires. Il faut impérativement un contre pouvoir à l’autoritarisme de certains et je reste poli. Il est particulièrement détestable de constater à quel point l’homo sapiens sapiens (Homme savant) peut avilir celui dont il se croit être le supérieur.
Un syndicat général dans les CROUS qui syndiquent les PO (personnels ouvriers) comme les PA (personnels administratifs) ?
Pour les raisons exprimées dans les paragraphes précédents il n’existe une divergence entre PO et PA que par celle du statut et de la subordination. On sait aujourd’hui que de nombreux PA sont traités de la même manière que les PO, les catégories C, les contractuels. Il semble également évident que l’avenir s’obscurcit chaque jour un peu plus dans les Crous et que, œuvrant pour la même mission de service public, il est peut-être temps de travailler tous dans le même sens.
Quels sont les enjeux pour les élections de 2014 ?
L’engagement syndicaliste n’a de sens que s’il permet l’action. Les enjeux sont multiples mais le fait d’obtenir des sièges par les suffrages recueillis confère une représentativité reconnue. Siéger dans les instances offre la possibilité de dialoguer, négocier, agir dans l’intérêt de tous les personnels donc de la mission qui leur est confiée.
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BON A SAVOIR
Petit historique. En 1955, une loi fixe l’étatisation des œuvres universitaires qui deviennent un réseau de Crous pilo- tés par le Cnous (loi no 55-425). L’État et la « grande UNEF » gèrent paritairement ce système d’aide sociale. La création du Cnous et des Crous répond à une seule attente : l’accès des étudiants, dans les meilleures conditions possibles, à l’enseignement supérieur. Au début des années 2000, les associations étudiantes ont été à l’origine des actions menées en faveur des étudiants défavorisés et de la prise en charge d’un certain nombre de questions sociales. Mission emploi ! Par le décret du 5 mars 1987, sept missions ont été confiées aux œuvres universitaires : le logement, la restauration, les bourses, l’emploi, la culture et le soutien à l’engagement et aux initiatives étudiantes, les relations internationales, le social. L’autonomie des Crous les autorise à recruter les personnels nécessaires pour accomplir leurs missions. 20 % des salariés sont des fonctionnaires affectés par les rectorats et 80 %, des personnels ouvriers (PO) embauchés en CDI, agents non titulaires de la Fonction publique sous contrat de droit public, rémunérés sur ressources propres de l’Établissement. Au fil du temps, ces agents sont devenus la principale variable d’ajustement du budget de fonctionnement des Crous. Une autre inéquité est la baisse quasi permanente des postes de personnels administratifs (PA), fonctionnaires affectés dans les Crous, et le remplacement de leur emploi par des PO, d’où un surcout de la masse salariale sur ressources propres. En outre, la baisse des recrutements équivalents temps plein génère une précarisation de l’emploi dans les Crous. La mission de service public à l’Étudiant, du fait de ces conditions de fonctionnement des Crous, est donc de plus en plus pénible à accomplir : le désengagement de l’État, les contraintes budgétaires, sociales, l’ouverture continue de structures nouvelles sans création d’emplois et l’obligation de rentabilité mettent à mal ses personnels particulièrement dévoués à la mission de solidarité entre les générations.