2S2C et EPS…. Incompréhension inévitable

L'annonce du dispositif 2S2C et ses conditions de mise en place, sans consultation préalable des acteurs principaux de l'École, crée de la confusion et suscite des questions et de l'inquiétude.

2S2C et EPSUne annonce soudaine

A l’heure où les professeurs d’EPS se sont mobilisés, ont fait preuve d’imagination, de mutualisation via des groupes formels ou informels, pour assurer le suivi des élèves lors du confinement et leur proposer des modalités de pratiques physiques les plus adaptées…

A l’heure où les équipes se mobilisent encore avec leur direction pour trouver comment renouer avec l’activité physique, à l’école, dans un contexte sanitaire tendu, avec un protocole très serré…

Ils apprennent par différents canaux d’information la mise en place d’un dispositif visant à favoriser la reprise de la pratique physique des élèves de primaire et collège, sans eux…

On peut comprendre que cela crée de la confusion, et suscite des questions et de l’inquiétude.

Alors c’est quoi ce 2S2C ?

Lorsque l’on tape 2S2C sur internet… On tombe sur la page du ministère des sports… Nous citons le texte.

« La circulaire du 4 mai 2020 relative à la réouverture des écoles et établissements et aux conditions de poursuite des apprentissages prévoit qu’à partir du 11 mai, les élèves peuvent se trouver dans une à plusieurs des situations suivantes : en classe ; en étude si les locaux et les moyens de surveillance le permettent ; à la maison avec la poursuite de l’enseignement à distance ; en activité grâce à un accueil organisé par les communes dans le cadre du dispositif Sport – Santé – Culture – Civisme (2S2C).

#2S2C (sport, santé, culture, civisme) se réalisera en petit groupe, en temps scolaire et sera organisé en lien étroit des services Education nationale, avec la commune et les associations complémentaires de l’école, et sportives du territoire.

Les APS se différencieront de la mise en œuvre des programmes d’Education physique et sportive (EPS) ou des contenus habituels de perfectionnement sportif des écoles sportives de club. Cette offre éducative de qualité a pour objectif de répondre aux enjeux de remobilisation des enfants et des jeunes dans une logique de continuité éducative associant l’ensemble de la communauté éducative.

Le déploiement des activités physiques et sportives prendra dans ce cadre appui sur le cadre de recommandation des pratiques d’APS post-confinement (L’ONAPS). Elles respecteront à la fois, les recommandations sanitaires de reprise de l’Education nationale et celles identifiées dans les 4 guides pratiques post-confinement liés à la reprise des APS en métropole et Outre-mer ».

Une décision sans concertation

Le Sgen-CFDT ne peut que s’inscrire dans cette volonté de soutenir « les enjeux de remobilisation des enfants et des jeunes dans une logique de continuité éducative associant l’ensemble de la communauté éducative ». Nous sommes très conscients de l’importance, notamment pour certains, de renouer avec des liens sociaux et éducatifs. Le Sgen-CFDT s’inscrit dans une démarche de travail collectif et n’hésite pas à pousser sa réflexion sur l’école à l’échelle du territoire et de ses partenaires.

Dès lors, une fois posé cet objectif, nous interrogeons le fait que ces enjeux n’aient pas avant tout été questionnés avec les acteurs directs de l’Éducation nationale, qui accueillent ces dits élèves, sur ce temps scolaire… Et notamment avec les acteurs de l’EPS sur le versant dit des « activités physiques et sportives ».

Les informations arrivent sur le site du ministère des sports, les protocoles sont envoyés aux fédérations. Le 2S2C ne peut néanmoins être mis en place qu’à la suite de l’établissement d’une convention entre l’IA-Dasen et chaque maire volontaire. Ce qui actuellement, en ajoutant les contraintes fortes de recrutement, rend ce dispositif encore peu répandu. (200 communes début juin).

Le Sgen-CFDT souligne ce paradoxe. On vise des élèves sur le temps scolaire. On envisage des pratiques qui ont leur place à l’école (arts, pratiques physiques, enjeux citoyen etc). Et on travaille essentiellement avec le ministère des sports…

En interrogeant la profession, n’aurait-on pas pu pu évoquer les vrais obstacles à une reprise de l’EPS, de l’AS et des pratiques artistiques ? On aurait par exemple pu également interroger la place de l’EPS et de l’USEP dans le premier degré etc. On aurait pu questionner un travail inter-degré et un partage de compétences. On aurait pu aussi repartir de pratiques partenariales déjà existantes dans certaines communes etc. Et ce, sans avoir à imaginer un énième dispositif venant mobiliser l’énergie de tout le monde, notamment des directeurs et personnels de directions, dans cette période déjà plus que chargée. En outre, mettre en place un tel dispositif pour une période si courte… Cela ne peut qu’interroger la profession sur les intentions.

De plus, malgré des précautions de vocabulaire dans ce texte, le Sgen-CFDT ne peut que relever les nombreux glissements, confusions, faits entre sports et EPS, et ce depuis plusieurs années. Confusions qui montrent combien les spécificités de l’EPS ne sont pas forcément bien affirmées.

Qu’est-ce qui empêcherait plus de faire de l’EPS que de l’animation 2S2C ?

Il est précisé dans le dispositif 2S2C que ce qui serait proposé n’est pas de l’EPS. Certes, nous en convenons. Et de la même façon, toute cette période de déconfinement ne permettra pas de refaire école au sens où elle existait avant cette crise. Cette reprise vise à recréer du lien scolaire et social, autour d’une continuité d’apprentissage.

Mais qu’est-ce qui empêche aujourd’hui les profs d’EPS, et les PE de faire une reprise d’EPS déconfinée ? Ce qui aujourd’hui fait majoritairement obstacle ce sont les protocoles sanitaires qui ont du être mis en place. Il ne s’agit pas de les remettre en question. Nous n’en avons pas les compétences médicales, mais de repartir des faits. Pratiquer seul, sans matériel, à distance des camarades, sans installation, limite grandement les enseignements et apprentissages.

Pour autant, dès lors qu’il y a reprise à l’école, l’EPS, du fait de sa spécificité motrice, devrait reprendre toute sa place dans l’enjeu de développement corporel, social et affectif de l’enfant de l’école au lycée. Il semble important de renouer avec un groupe, avec les lieux, d’exprimer des émotions parfois bien étouffées etc. Les enseignants et professeurs des écoles ont déjà engagé réflexions et propositions, autant que faire ce peu, du fait des contraintes et de l’absence d’installations. Les enseignants d’EPS peuvent en outre, durant cette période, faire liens avec les collègues, les personnels santé-sociaux, pour alerter de situations difficiles, de mal-être etc, et accompagner les apprentissages dans leur ensemble.

Les enseignants certes, ne font pas non plus de l’EPS a proprement dit dans cette période, mais ils exercent en tant qu’enseignant, au sein d’une communauté éducative, visant conjointement l’épanouissement de chaque enfant.

Le souci des installations

C’est bien là un autre paradoxe de ce dispositif. Si les règles sanitaires semblent devoir être les mêmes que dans l’Éducation nationale, on s’étonne alors de lire dans le guide de recommandations post-confinement du Ministère des Sports – page 20 : « Les équipements sportifs couverts ne rouvriront pas avant le 2 juin 2020, au moins sauf pour les sportifs de haut niveau, les sportifs professionnels et les scolaires accueillis dans le cadre du programme sport santé civisme et culture ».

Le Sgen-CFDT partage l’analyse de l’AEEPS qui pointe « qu’au motif de permettre les enseignements obligatoires, le dispositif 2S2C se met en travers de celui de l’EPS par le biais des installations sportives ».

Pour le Sgen-CFDT, il n’est pas concevable de ne pas harmoniser ces protocoles (dès lors qu’ils touchent les mêmes installations, le même public) et de ne pas prioriser l’enseignement de l’EPS, discipline scolaire, dans les conditions de reprise des activités physiques.

Il s’agira en outre d’avoir de plus amples informations sur la durée de ce dispositif, qui a été pensé pour cette période exceptionnelle de déconfinement. Si ce dispositif venait à se prolonger, cela impacterait directement les enseignements d’EPS au niveau de l’accès aux installations, déjà fort compliqué.

Des réflexions à poser bien en amont des périodes de crises sanitaires…

Les notions de territoire éducatif, de lien inter-degré

L’empilement de dispositifs créés dans l’urgence, à forte audience médiatique, ne pourront que créer tensions et discordes. La prise en compte de l’enfant, sur ses différents temps de vie, nécessite une analyse fine des territoires, des besoins. Toute proposition devrait émaner de concertations avec l’ensemble des acteurs. Il convient en outre d’identifier en amont les raisons d’être de chaque organisation, et ne pas tout confondre.

La place du corps de l’école à l’université

Il s’agirait de renforcer une EPS bien identifiée et différenciée du mouvement sportif fédéral et ce, à tous les niveaux. (un exemple de recherche sur les objets d’enseignement)

L’école gagnerait en outre à porter une attention commune aux pratiques corporelles dans leur globalité (sur tous les temps scolaire, sans dissocier a priori corps et esprit de façon systématique), afin d’envisager un épanouissement harmonieux de chaque enfant.

Les modalités de consultations des différents partenaires sociaux, y compris au niveau inter-ministériel

Ces arbitrages sont aussi des arbitrages financiers. Lorsqu’un ministère s’occupe de l’ouverture ou fermeture de postes au concours (en baisse en EPS), quand l’autre décide d’aider les communes pour favoriser l’activité physique, il devrait y avoir dialogue.

De même, la question des installations (quantité, qualité, et partage) devrait être clairement posées au sein de chaque collectivité.

Les modalités de consultation et de dialogue au sein de l’UNSS

En conclusion, il s’agit déjà à court terme de repréciser :

– La durée de ce dispositif dans le temps. Les dernier propos à ce sujet peuvent encore inquiéter la profession.

– Les conditions d’accès aux installations et l’harmonisation des protocoles sanitaires.

– D’alerter sur l’impact négatif, voire nuisible pour chacun, de ces annonces précipitées et confuses.