Reprise progressive dans les écoles et établissements scolaires de l’académie de Lille

Les positions du Sgen-CFDT Nord Pas-de-Calais sur la reprise progressive annoncée pour le 11 mai. 

Madame la Rectrice,

En amont de l’audience intersyndicale de ce jeudi 23 avril, le Sgen-CFDT Nord Pas-de-Calais souhaite vous faire part de ses positions quant à la question de la reprise progressive annoncée pour le 11 mai.

Si, pour notre syndicat, il est important que les élèves puissent retrouver le chemin de l’École afin de renouer le lien avec leurs camarades et leurs enseignants, pour certain.es afin de renouer avec les apprentissages, mais aussi afin de pouvoir s’exprimer sur l’expérience vécue, il n’en demeure pas moins que les priorités demeurent la santé, la sécurité des personnels et des usagers de l’École et la non-propagation du virus.

Les inquiétudes sont grandes autant chez les personnels que dans les familles. Il est donc nécessaire de les rassurer et de tout en mettre en œuvre pour un retour dans les écoles et les établissements en toute confiance.

Pour nous, la reprise doit être conditionnée au respect strict d’un certain nombre de mesures  sanitaires garantissant la sécurité sanitaire de tous les personnels.

En effet, les écoles et les établissements scolaires sont des lieux de grande promiscuité humaine. Quels autres espaces d’activité connaissent une densité de population aussi élevée que des couloirs ou des salles de classes de collèges et de lycées ? Vous le savez, les espaces classes sont surpeuplés ; pendant les interclasses, les couloirs ressemblent à ceux du métro parisien aux heures de pointe ; les sorties, que cela soit devant les écoles, les collèges ou les lycées, donnent lieu à des attroupements. Par ailleurs, les caractéristiques des écoles et des établissements scolaires de notre académie sont d’une très grande variété. Les conditions d’accueil dans une grosse école lilloise ou dunkerquoise ne sont pas comparables à celles de la petite école en milieu rural. Il en est de même entre un petit collège et une imposante cité scolaire ou encore entre un lycée de centre-ville et un collège REP+. Tout cela nous amène à penser qu’une réouverture progressive des écoles et des établissements sera extrêmement difficile à mettre en œuvre. Pour notre organisation, la réouverture progressive des écoles et des établissements scolaires doit être fortement conditionnée à un affaiblissement épidémique conséquent d’ici le 11 mai dans notre académie.

Pour le Sgen-CFDT Nord Pas-de-Calais, la reprise devra répondre aux exigences suivantes, indispensables à la sécurité sanitaire des personnels et des usagers et à la non-propagation du virus qui doivent être la priorité absolue qui conduit nos actions. Ainsi toutes les mesures requises par le protocole sanitaire annoncé par le ministre devront faire l’objet d’une information académique écrite et transmise à tous les personnels.

La désinfection générale des établissements scolaires et des écoles

Il est indispensable que les écoles et les établissements scolaires soient, d’ici la reprise, totalement désinfectés. Cette désinfection doit être générale avant la reprise puis quotidienne et ensuite chaque fois que ce sera nécessaire. Nous insistons en particulier sur le mobilier scolaire à l’intérieur de la classe.

Si plusieurs élèves doivent s’installer successivement sur la même chaise et à la même table, ce mobilier doit être désinfecté entre chaque utilisatrice et chaque utilisateur. Nous préconisons d’ailleurs de réduire au maximum les changements de salles et de places des élèves.

Dans les écoles, les objets pédagogiques mutualisés ne pourront pas être désinfectés à chaque fois, ce qui multiplie le risque de contamination.  Il conviendra alors, soit d’augmenter les dotations de ces objets, soit d’en interdire l’usage mutualisé.

Les collectivités doivent être des partenaires coopératifs et suivre les recommandations des chef.fe.s d’établissement et des directrices et directeurs d’école en assurant une présence suffisantes des agents  pour ce nettoyage. L’organisation du travail des agents des collectivités devra être révisée en fonction des objectifs sanitaires (nettoyage, approvisionnement permanent des sanitaires en produits d’hygiène).

Des informations claires et précises sur cette question du nettoyage devront être envoyées aux chef.fe.s d’établissement et les directrices et directeurs dans le cadre d’un protocole sanitaire exigeant.

Le respect des gestes barrières

Il est indispensable que les gestes barrières puissent être respectés par chacun e. Les mesures sanitaires devront pouvoir être scrupuleusement respectées.

Gel hydroalcoolique et savon

Dans chaque espace de travail (entrée des établissements, bureaux, couloirs, sanitaires, classes…) du gel hydroalcoolique doit être mis à disposition. Dans les sanitaires, le savon doit être systématiquement disponible ainsi que du papier d’essuyage pour les mains. Les cheminements doivent être pensés de telle sorte qu’aucun contact manuel ne soit requis après le lavage de mains (poubelle sans couvercle, porte ouverte, etc.). Le suivi de l’approvisionnement des espaces sanitaires en produits d’hygiène doit être effectué de façon permanente.

Masques

Le port du masque doit être matériellement possible et respecter les préconisations des autorités de santé qui le préconisent en complément des gestes barrières. Par expérience et sans ironie aucune, nous savons que le métier d’enseignant est source de nombreux postillons… Le port du masque est une nécessité.

La distanciation

Des distances de sécurité d’un mètre à un mètre cinquante doivent être respectées. C’est ce point qui nous semble le plus critique. Nous pensons ainsi que le respect de cette consigne n’est pas envisageable pour nos élèves-enfants. La distanciation sociale nécessite pour les enfants un apprentissage qui doit s’acquérir progressivement et au préalable. Ce qui n’a pas été fait dans notre institution. De ce fait, nous pensons que l’accueil ne doit pas être envisagé dans les écoles maternelles et limitée dans les écoles élémentaires. Pour les élèves adolescent e s, le respect de la distance nécessite des aménagements importants

La distanciation dans la salle de classe

Dans la salle de classe, pour qu’une distance de sécurité suffisante puisse être respectée, il faudra que chaque usager puisse disposer de 4m2, ce qui a pour conséquence de réduire fortement le nombre possible d’élèves présent e s en même temps dans la salle. En moyenne, nous estimons qu’un groupe-classe ne pourra pas dépasser 10 à 12 élèves et 6 élèves en cycle 1 et 2. Cela est bien sûr fonction de la tailles des salles. La mise à disposition de salles et d’enseignant.es étant limitée à l’existant, l’emploi du temps de tous les élèves sera nécessairement réduit des deux-tiers environ, en particulier dans les lycées où les plages d’ouverture sont déjà pour la grande majorité très étalées.

La distanciation dans la cour de récréation

Un certain nombre de préconisations et de propositions seront à formaliser pour la mise en place d’activités qui favorisent la distanciation surtout dans les écoles élémentaires et maternelles.

La distanciation dans le cadre de la circulation inter-classe

De la même façon, il est nécessaire que chaque groupe ainsi formé dispose de ses propres horaires de cours et si possible de sa propre salle, de manière à réduire très fortement la circulation inter-classe. Les horaires seront donc organisés en décalage. Cette disposition aura un impact sur la capacité d’accueil des établissements.

Se pose également la question des demi-pensions, des internats, des transports des élèves dont l’utilisation et le fonctionnement ne doivent pas enfreindre le respect des gestes barrières.

La distanciation dans le cadre de la demi-pension et des internats
Si l’objectif de réduction des inégalités face à la continuité pédagogique est bien celui recherché, les restaurants scolaires doivent pouvoir proposer un repas aux élèves accueillis. Dans ces conditions, les règles de distanciation sociale doivent pouvoir être suivies aussi bien par les élèves demi-pensionnaires que par les agents assurant la restauration. De plus les règles d’hygiène spécifiques (traitement des surfaces, des déchets etc.) doivent être connues et mises en œuvre par les personnels de service et d’entretien associatifs ou des collectivités.
Nous pensons que l’ouverture des internats doit être repoussée pour éviter des mobilités de population sur des distances qui  peuvent être longues. Il s’agit aussi de réduire la surface des espaces à entretenir pour se concentrer sur l’essentiel. Sans même évoquer la promiscuité sociale inhérente à ce type de structure.

La distanciation dans les transports

Les élèves accueillis doivent pouvoir venir dans leur école ou leur établissement par les transports collectifs (urbains ou scolaires) sans que ceux-ci soient bondés. Organiser avec les décideurs territoriaux l’adaptation des transports, sera-t-elle possible ? Les horaires des établissements devront peut-être s’en trouver modifiés et articulés entre eux pour permettre une désinfection des véhicules et des taux d’occupation permettant les gestes barrières (il est fréquent qu’un bus commence son service par un lycée puis enchaîne avec 2 collèges, les horaires étant adaptés et étalés aux contraintes de transport). Il en va de même pour les nombreux R.P.I. dont les périscolaires utilisent des véhicules 9 places qui ne pourront pas être remplis au maximum de  leur capacité, ce qui nécessitera des aménagements qui sont encore à trouver (allongement de la pause méridienne, utilisation de bus plus grands, etc.).

 

Une fois ce tableau dressé, il est évident que les écoles et les établissements du second degré ne pourront pas accueillir avant longtemps tous les élèves en même temps. Se posent alors les questions suivantes : quelle organisation prévoir pour être en capacité d’accueillir tous les élèves de manière échelonnée ? Quelle organisation pour adapter la charge de travail des personnels et pour protéger celles et ceux qui sont en situation de vulnérabilité ?

Pour le Sgen-CFDT Nord Pas-de-Calais, l’École de la République ne saurait sélectionner les élèves au risque de les stigmatiser et par ailleurs, il est important et nécessaire que tous les élèves aient un contact en présentiel avec leurs enseignants.

Mais les conditions sanitaires optimales détaillées ci-dessus devant être strictement respectées, l’organisation de cet accueil doit être réfléchie collectivement et un plan de reprise d’activité décliné localement pour chaque école et chaque établissement.  Nous pensons que ce plan de reprise doit être validé par les instances. Il en est de même pour l’ouverture et la fermeture des écoles ou établissements qui, à nos yeux, devront être validées en fonction du respect strict ou non des critères sanitaires.

Nous demandons donc qu’en prévision de la reprise, quand elle pourra avoir lieu, les instances de proximité que sont les conseils pédagogiques les commissions permanentes, les CA dans le 2nd  degré, les conseils des maîtres et les conseils d’école dans le 1er degré, soient réunies pour élaborer et valider le plan de reprise d’activité et valider ou non l’ouverture au regard des critères sanitaires à satisfaire. Ces réunions peuvent s’organiser à distance pour respecter la distanciation.

Les personnels d’encadrement des écoles et des établissements doivent pouvoir bénéficier d’un accompagnement, d’un appui de la part des corps d’inspection et de l’administration rectorale.

Organiser une période de pré-rentrée

Il nous semble important que, dans chaque établissement ou école, cette reprise progressive soit précédée d’une période de concertation, de mise en route, une sorte de «pré-rentrée» suffisamment longue pour que le fonctionnement puisse être collectivement défini, pour que tous les agents puissent être formés aux règles de sécurité et d’hygiène et que du collectif puisse être recréé.

Toutefois, les conditions de réunion des personnels  devront respecter les règles sanitaires de distanciation.

Cette dernière période de l’année scolaire aura d’autant plus d’amplitude que les personnels continueront en parallèle d’assurer la continuité pédagogique. Il faudra également réfléchir aux modalités d’articulation des tâches en présentiel (accueil des élèves) et des tâches à distance (continuité pédagogique) afin que la charge de travail reste raisonnable pour être supportable.

Panser les blessures

Cette crise sanitaire reste grave dans notre académie. Nous avons pu être touchés par le virus, soit directement, soit indirectement dans notre entourage. Depuis deux mois, l’autre et sa proximité sont devenus synonymes de danger. Nous ne pouvons ignorer que des élèves, des agents, craignent, redoutent et refusent de ce fait de retourner à l’École. Il faudra en tenir compte.

Préserver les personnes dont l’exposition à l’épidémie peut être dangereuse

Ce point concerne bien évidement tous les personnels et tous les usagers. Il conviendra avec les autorités sanitaires d’établir une liste des affections ou des profils de personnes qui ne doivent pas être exposées au risque de contamination. Les personnes concernées devront être invitées à

rester confinées. Cette liste devra être largement diffusée sur la messagerie académique pour que les personnes concernées puissent se manifester auprès de leur école ou établissement pour les élèves et à leur hiérarchie pour les agents. Nous pensons qu’il serait pertinent dès maintenant de relancer un appel aux personnels fragiles pour qu’elles se signalent auprès de la médecine de prévention et de préciser quelles seront leurs modalités d’exercices.

Maintenir les autorisations spéciales d’absence

Dans le cadre d’une réouverture très progressive des écoles et établissement, tous les élèves ne pourront être accueillis en même temps. Nous demandons donc que les agents dont les enfants ne seront pas accueillis  dans leur établissement scolaire puissent se voir accorder une autorisation spéciale d’absence, sans perte de salaire.

La place des CHSCT

Les CHSCT départementaux et académiques doivent être partie prenante du plan de reprise d’activité académique. Les CHSCT doivent pouvoir également exercer pleinement leur droit de visite des espaces de travail pour accompagner les équipes dans une reprise progressive.
Nous posons également la question de la création, dans tous les espaces de travail où elle n’existe pas, d’une commission d’hygiène et de sécurité qui aura pour mission de maintenir les priorités de santé et de non propagation du virus et de s’assurer que les critères sanitaires qui conditionnent l’ouverture d’une école ou d’un établissement sont respectés.

Nous ne vous cachons pas que nous avons des craintes au sujet du respect strict des mesures sanitaires notamment des moyens qui seront mis à la disposition des écoles et établissements pour les satisfaire. Les personnels de direction seront fortement exposés et cette crise sanitaire dépassant largement leurs compétences de personnels d’encadrement, un cadrage académique clair et précis est indispensable.
De ce fait, nous n’accepterons aucune ouverture d’école ou d’établissement ne pouvant satisfaire les conditions sanitaires requises.

Je vous remercie pour l’attention que vous porterez à nos remarques et préconisations et vous demande de croire Madame la Rectrice à notre dévouement au service public de l‘Éducation nationale.

Lætitia ARESU,
Secrétaire générale du Sgen-CFDT Nord Pas-de-Calais

Pour aller plus loin

Retour sur l’audition du ministre de l’Éducation nationale par les députés
Réouverture des établissements scolaires : la santé d’abord
Réouverture : prendre conscience que l’École ne fonctionnera pas comme avant
Sortir du confinement doit impliquer les partenaires de l’école
Services administratifs, il faut renforcer les équipes de travail.
Rentrée progressive : Respect des gestes barrières et missions des AESH sont-ils compatibles ?