Pour le Sgen-CFDT, une reprise sèche est impensable. Il faut accepter les réalités, donner à tous le temps de reprendre le fil, et préparer finement les reprises pour donner à chacun.e l'attention à laquelle il, elle a droit et tenter de combler les écarts creusés pendant le confinement.
La crise sanitaire, le confinement de la population nous placent toutes et tous dans des situations inédites, qui nous fragilisent nécessairement et génèrent plus ou moins d’angoisse.
Tenir un discours cohérent avec les réalités vécues
Dans un tel contexte, être responsable c’est mesurer ce que signifie la priorité qui doit être donné à la santé. C’est aussi être en capacité de tenir un discours cohérent avec la réalité vécue, les réalités vécues. Le pluriel est important alors que la situation que nous vivons laisse malheureusement aux inégalités plus d’espace pour se déployer et jouer à plein, par exemple en matière éducative.
Refuser les postures, être attentif aux réalités vécues et les prendre en charge.
Nous l’observons plusieurs jours, les déclarations de certain.e.s, l’agitation médiatique d’autres font plus de place à la formule facile ou au slogan parfois proche du marketing qu’à une attention aux réalités vécues, une capacité à prendre en charge ces réalités. Ces postures et expressions médiatiques sont problématiques car elles ajoutent de la tension, elles placent des personnels, des parents, des élèves face à des injonctions contradictoires et paradoxales. Personne n’a besoin de cela dans la période.
Il faut parvenir à accepter collectivement comme société, et chacun pour soi-même, que tout ce qui aurait dû se faire en 2019-2020 ne pourra pas se faire, que des apprentissages n’auront pas eu lieu. Chercher à tout compenser, tout rattraper avant la rentrée 2020 c’est soumettre trop de monde à une forte pression voire à une injonction paradoxale. Refuser de prendre en compte le réel laissera des traces : fatigue de la population, fatigue professionnelle, fatigues qui nourriront la défiance et le sentiment de ne pas être pris en compte, de ne pas être reconnu.
Une reprise sèche est impensable
Dans la période l’attention aux personnes, à chacun et chacune, et plus encore aux plus fragiles, aux plus défavorisés, aux plus précaires parmi nous doit être plus forte encore que d’habitude. C’est cela qui doit guider la réflexion sur les reprises.
Donner à chacun.e le temps de reprendre le fil…
Quelle que soit la date et les modalités de fin de confinement et de réouverture des établissements d’enseignement et de formation, pour le Sgen-CFDT, une reprise sèche au printemps 2020 est impensable :
Pour les personnels : se retrouver, refaire collectif cela participe des enjeux de résilience auxquels il faut consacrer du temps pour qu’ils puissent ensuite eux-mêmes mieux accueillir les élèves, étudiant.e.s, jeunes et moins jeunes en formation ;
Pour les élèves, étudiant.e.s : refaire collectif, retrouver ses camarades, ses enseignant.e.s et formateurs, formatrices, participent là aussi des enjeux de résilience, et supposent d’y consacrer du temps.
Consacrer du temps donc à l’attention qu’il faut porter à chacun et chacune. Un temps qui ne doit pas être trop long, mais du temps de qualité, adapté autant que de besoin aux réalités locales, à l’état psychologique dans lequel se retrouveront les personnels, les élèves et étudiant.e.s après le confinement, après l’épidémie. Pendant ces temps, les équipes pluriprofessionnelles devront pouvoir travailler ensemble afin que toutes et tous bénéficient de l’appui et de l’expertise des personnels sociaux, de santé et PsyEN pour pouvoir répondre à toutes les questions que les élèves voudront, auront besoin de poser.
Il faut se donner le temps de reprendre le fil pour tous, avec tous, alors que les inégalités jouent davantage pendant le confinement. Le temps de concertation entre professionnels, avec les parents d’élèves, les élèves doit être donné, reconnu, valorisé avant que puisse reprendre le temps des apprentissages à proprement parler.
Les stages de soutien ne doivent être ni une obligation, ni un dispositif pour solde de tout compte.
Le retour aux apprentissages scolaires doit aussi être l’occasion de combler l’écart qui se sera creusé pendant le confinement. De ce point de vue les stages de soutien qui existent déjà habituellement, auxquels chaque année des enseignant.e.s volontaires participent, ne sont pas à rejeter par principe. Mais ils ne doivent ni devenir une obligation pour un public désigné, ni un dispositif pour solde de tout compte.
La manière dont le ministère semble vouloir les mettre en place pendant les vacances de printemps, avec des injonctions de dernière minute aux IEN, directeurs et directrices d’école, personnels de direction, est inacceptable. Le Sgen-CFDT l’a fait savoir au ministère de l’Éducation nationale.
A la reprise des apprentissages, les communautés éducatives, avec le concours d’associations complémentaires de l’école dans les domaines de la pédagogie, de l’éducation populaire et de la lutte contre les inégalités, doivent pouvoir s’organiser quitte à ne pas reprendre directement l’emploi du temps habituel.
La différenciation pédagogique devra être de mise.
Il faudra ne pas caler le point de redémarrage et le rythme sur les élèves les plus performants scolairement et ayant le plus su ou pu se mobiliser sur les apprentissages pendant le confinement. Leur travail, celui des enseignants n’auront pas été vains mais ne pourront pas être le maitre étalon au risque de figer des inégalités. La différenciation pédagogique devra être de mise pour ne pas nourrir le décrochage des uns et peut-être la frustration ou l’impatience des autres.
Cette logique solidaire doit être portée politiquement et embarquer le fait qu’on n’exigera pas l’impossible (finir les programmes comme si tout était normal alors que ce que nous vivons est exceptionnel). Le portage politique devra être fort et ne pas se laisser embarquer par la tentation probable d’une forme de séparatisme des gagnants habituels de la compétition scolaire qui pourraient voir d’un mauvais œil un renoncement à l’objectif de performance, voire de compétition et de distinction.
Préparer finement les reprises…
Mais il faut alors aller au bout de la logique : si on ne finit pas les programmes en 2019 – 2020 il faut être capable d’en tenir compte en 2020 – 2021 et là aussi accorder une importance toute particulière à la préparation de rentrée, au suivi du devenir scolaire, étudiant ou professionnel des élèves.
La reprise, les reprises peut-être au printemps, en tout état de cause en septembre, doivent donc être préparées finement sur le plan humain et pédagogique. Il faut aussi prendre en compte des contraintes sanitaires probables pour les anticiper et préparer la logistique nécessaire. Sommes-nous certain.e.s que toutes les régions sortiront en même temps du confinement ? Que les établissements pourront accueillir immédiatement tous les élèves, étudiant.e.s ?
Il faudra certainement prendre le temps de former encore et encore aux enjeux des gestes barrières et de la distanciation sociale. Il faudra organiser un approvisionnement et la mise à disposition effective et inconditionnelle de savons et de serviettes en papier jetable pour se sécher les mains dans toutes les écoles, tous les établissements, pour les personnels et pour les élèves.
Il faudra organiser un nettoyage régulier plus approfondi des locaux, en particulier toutes les surfaces avec lesquels nous sommes en contact avec nos mains. Cela suppose des moyens humains, cela suppose une organisation articulant les services de l’État et ceux des collectivités locales, cela suppose des financements adaptés pour que ces mêmes services puissent être à la hauteur des enjeux sanitaires.
Construire du commun, accepter de voir et de dire le réel et non de le tordre.
Le Sgen-CFDT a demandé au ministre de l’Éducation nationale d’organiser le dialogue social avec les représentant.e.s des personnels, des élèves, des parents d’élèves et avec les associations complémentaires de l’école. Il faut construire du commun en vue de la reprise, cela suppose d’accepter de voir et de dire le réel et non de le tordre.
Nous en sommes loin aujourd’hui. Pour les personnels, pour les élèves et étudiant.e.s, le Sgen-CFDT ne renoncera pas à soulever ces questions, à donner à voir et à entendre les réalités du travail éducatif au temps du confinement pour cause de pandémie. Pour qu’aux difficultés du confinement et de la pandémie, ne s’ajoute plus la pression d’un discours hors sol semblant minimiser l’urgence sanitaire collective.