La note de service concernant le pacte enseignant est enfin parue : cet article a donc été mis à jour en conséquence. Il semble déjà clair au vu des retours du terrain que la mise en place du pacte est très variable en fonction des écoles ou des établissements, de même que le nombre de volontaires.
Qu’est-ce que « le Pacte » ? Comment fonctionne-t-il ?
La note de service est enfin parue : vous la trouverez sous ce lien.
Qui peut prétendre signer un « pacte » ?
L’ensemble des enseignant·e·s (P.E., certifié·e·s, agrégé·e·s, PLP), CPE et Psy-EN, titulaires ou contractuel·le·s, à temps plein comme à temps partiel, peuvent signer pour une ou plusieurs missions liées au « pacte », sur la base du volontariat. Seule la signature d’une lettre de mission vaut engagement. La rémunération est identique pour tous, même pour les personnels exerçant à temps partiel.
Par conséquent, les sondages effectués actuellement dans les établissements ne vous engagent à rien…
Les personnels qui partagent leurs services entre plusieurs écoles ou établissements peuvent signer pour des parts fonctionnelles dans chacun d’entre eux.
Mais le nombre de parts fonctionnelles sera limité dans chaque établissement et fléché : s’il y a trop de volontaires, les personnels de direction ou l’IEN devront choisir…
Enfin, la note de service dit qu’il « est recommandé » de ne pas solliciter les enseignant⋅e⋅s stagiaires : ce qui signifie donc que ce n’est pas interdit.
Quel montant pour le pacte ?
300 millions d’euros ont été provisionnés au titre du « Pacte pour les enseignants » dans le budget 2023, soit 0,9 milliard en année pleine. Un même enseignant peut cumuler différentes » missions « , qui correspondent chacune à des tâches supplémentaires par rapport aux obligations réglementaires de service.
La note de service utilise désormais le doux vocable de « part fonctionnelle de l’ISOE et de l’ISAE pour désigner une « brique » du pacte, à savoir une rémunération forfaitaire de 1 250 € brut annuels (défiscalisés et désocialisés), soit 3 750 € annuels pour trois missions. En voie pro, c’est 7500 euros maximum si on prend en charge six missions.
Quelles missions pour un pacte dans la voie GT ?
Le « pacte » consiste (et c’est tout le problème) en un engagement à exercer diverses missions complémentaires permettant, du point de vue du ministère, un meilleur fonctionnement du service public. Ce n’est donc pas une revalorisation, mais le retour du « travailler plus pour gagner plus ».
Les personnels volontaires se voient proposer différents types de missions qu’on peut séparer en 3 groupes :
1. Les missions pédagogiques à 18h par an.
2. Les missions pédagogiques à 24 par an.
3. Les missions d’accompagnement et d’orientation des élèves, ou d’innovation pédagogique, qui ne sont pas quantifiables en heures.
La note de service précise qu’on peut prendre seulement une demi-part (c’est à dire 9h ou 12h suivant les missions), à une exception près : le Remplacement de Courte Durée (RCD) dans le second degré : cela n’est possible que si on a d’abord pris une part entière, soit 18h).
Rémunération | Types de missions | |
Missions pédagogiques18h / an*
|
1250 euros par an |
Dans le premier degré :
Dans le second degré :
|
Missions pédagogiques24h / an |
1250 euros par an |
Dans le premier degré :
Dans le second degré (Collèges, LGT et LP) :
|
Missions d’accompagnement ou d’orientation des élèvesMissions d’innovation pédagogique
|
1250 euros par an |
Dans le premier degré
|
Total | 3750 euros bruts par an | Les parts fonctionnelles devraient être versées comme les IMP, c’est à dire par 1/9e, à partir de la paie d’octobre jusqu’à la paie de juin.
Voir la nomenclature des missions possibles : Annexe 1 de la note de service |
L’exercice en dehors de son école ou de son établissement d’affectation ouvrira les droits au remboursement des frais de déplacement.
Et le pacte dans la voie pro ?
Après avoir voulu imposer un pacte de 72h annuelles à tous les PLP, le Le ministère de l’Éducation Nationale a tourné casaque devant les réactions outrées des organisations syndicales. Plus de souplesse sera donc possible et le pacte dans la voie pro sera donc cessible : il ne faudra pas s’engager pour 72h, mais seulement pour une partie des missions, 6 au maximum.
Dans le second degré, est-on obligé de faire du RCD pour accéder aux autres missions ?
La note de service précise que « les parts fonctionnelles doivent être prioritairement allouées […] au remplacement […]. La première mission ne peut faire l’objet d’une demi-part fonctionnelle. Sauf cas particulier, elle porte sur le remplacement de courte durée.
Reste donc à déterminer quelle latitude auront les personnels de direction pour définir les cas particuliers…
Quelle mise en œuvre concrète est prévue pour le pacte ?
Dans le second degré
- Les personnels de direction ont reçu une enveloppe de parts fonctionnelles, qui sont fléchées sur certains blocs de missions. Un collège a reçu ainsi 54 parts fonctionnelles, dont 25 pour le RCD (remplacement de courte durée) et 11 pour « Devoirs Faits » en 6e. Un lycée polyvalent a reçu 45 parts fonctionnelles, dont 22 pour le RCD…
- La situation est assez confuse sur le terrain : certaines directions ont légitimement attendu les décrets et notes de service avant de faire quoi que ce soit ; d’autres ont déjà recensé les volontaires ou même réuni les personnels (en conseil pédagogique ou en assemblée générale) pour mettre en place un nouveau protocole, parfois pour exercer des pressions malvenues sur les personnels enseignants
- Il faut préciser plusieurs éléments importants ici :
- Une croix mise sur une fiche de vœu ne vaut pas engagement : c’est la signature apposée courant septembre sur une lettre de mission qui doit préciser ce qui est attendu de l’agent⋅e qui vaut engagement !
- Lors du conseil d’administration de septembre ou octobre, les directions doivent présenter la mise en place du pacte dans l’établissement en toute transparence : nombre de parts, répartition… Les chefs d’établissement doivent faire remonter au rectorat un plan sur le remplacement de courte durée dont la trame est présentée dans ce document, envoyé à tous les perdirs par le ministère.
- Nous conseillons aux équipes pédagogiques de négocier ce plan et les modèles de lettres de mission pour cadrer les remplacements de courte durée intégrés dans le pacte (voir sous ce lien un protocole de remplacement courte durée ancienne version, à mettre à jour avec le pacte)
- Les lettres de missions doivent être soigneusement rédigées et les missions doivent être décrites de manière explicite. Celle-ci doit être signée au plus tard début octobre et en temps normal, en amont de la rentrée. Elle est valable pour l’ensemble de l’année scolaire et peut être amendée si l’une des parties le souhaite.
Il faut veiller à bien faire écrire noir sur blanc dans un protocole RCD toutes les lignes rouges à ne pas franchir, de manière à ce que des gardes-fous soient établis et opposables en cas de nécessité. Il faut exiger un dialogue social transparent et constructif pour la mise en place du protocole.
- Concernant les autres « briques » non fléchées RCD ou « Devoirs Faits 6e », il convient de préciser au maximum la lettre de mission avec des éléments concrets et mesurables de mise en oeuvre du projet. Le Sgen-CFDT Alsace vous encourage à essayer de faire reconnaître des projets déjà en place et non rémunérés dans le cadre du bloc de mission 3 du pacte.
Voir le modèle de lettre de mission (ministère)
Dans le premier degré
Les possibilités de missions dans le premier degré semblent moins étendues que dans le secondaire : ce qui va contribuer à accentuer les inégalités entre les enseignant·e·s. Cependant, les professeurs des écoles volontaires pour assurer du soutien en 6e ou le dispositif « devoirs faits » en 6e ont été invités à se faire connaître.
D’après les remontées, le nombre de P.E. volontaire est très variable suivant les régions et les collèges, ce qui va poser des problèmes d’égalité d’accès au service public d’une part (quand il n’y en aura pas assez), ou d’accès au pacte pour les P.E. (quand il y en aura trop). Les chefs d’établissement ont reçu pour consigne de réserver les créneaux sur la journée de mercredi pour accueillir les P.E. volontaires, voire parfois en fin de journée quand cela est possible.
Des lettres de missions doivent aussi être soigneusement rédigées et signées par l’enseignant⋅e et l’IEN.
Quel contrôle sera réalisé sur l’exercice réel des missions ?
La note de service précise que la part fonctionnelle de l’ISAE ou ISOE est versée par 1/9e, d’octobre à juin, ce qui peut donc constituer une avance sur un travail réalisé après le versement. Bercy a insisté lourdement pour qu’un contrôle soit exercé par les personnels de direction, les IEN en lien avec les directions d’école. Ceux-ci devront faire remonter un bilan en janvier et en avril au rectorat, ce qui va encore une fois alourdir leur charge de travail, mais aussi celle des personnels administratifs des établissements, des circos et du rectorat.
En fonction de ces remontées, le ministère prévoit 3 cas de figure :
- L’agent est bien parti pour effectuer toutes les heures d’ici à la fin de l’année : les paiements se poursuivent.
- L’agent ne pourra vraisemblablement pas effectuer toutes les heures ; des missions complémentaires lui sont proposées. Si elles sont acceptées, les paiements se poursuivent.
- L’agent refuse ces missions complémentaires : les paiements sont interrompus, voire rappelés pour tenir compte du service fait.
Enfin, il est précisé que chaque rectorat devra faire des contrôles annuels « par échantillonnage » : des agents du rectorat (lesquels ?) devront aller vérifier que les heures payées ont bien été réalisées en consultant les pièce justificatives que devront garder précieusement les équipes de direction…
Le Sgen-CFDT dénonce cette multiplication des contrôles et la surcharge de travail qu’elle va impliquer pour certains personnels ! Nous nous demandons aussi comment toutes les heures travaillées pourront être justifiées… Doit-on prendre en photo les collègues en train de travailler ?
Quel est l’avis du Sgen-CFDT et des autres O.S. sur le Pacte ?
Le Sgen-CFDT ne pactise pas !
-
Le 13 juin 2023, lors du CSAMEN au ministère de l’Éducation Nationale, nous avons dénoncé un « choc d’inattractivité » : « Le ministère et l’ensemble de l’exécutif ont fait le choix de maintenir les mesures du pacte dans une mouture dont nous rejetons la philosophie. Ces mesures pèsent moins sur le plan budgétaire que les mesures dites du socle. Pour autant, en les maintenant, en les accompagnant d’un discours culpabilisant pour les collègues, méprisant souvent pour les enseignant.e.s du 1er degré, l’exécutif a choisi de les faire passer au premier plan.
- Pour le Sgen-CFDT, le pacte est très loin des attentes des collègues, des besoins du système éducatif, et très loin de nos attentes en matière de rémunération et de reconnaissance du travail réalisé par les personnels.
- Pour le Sgen-CFDT, il fallait reconnaître les missions déjà exercées et peu voire pas reconnues. Le pacte comporte des risques majeurs pour le système éducatif et pour les agents.
- La philosophie du pacte, son organisation […], la distribution budgétaire locale dont nous commençons à avoir connaissance vont intensifier le travail et donc dégrader les conditions de travail, creuser les inégalités entre les deux degrés d’enseignement, entre corps, entre femmes et hommes, entre les personnels selon leur situation de santé.
- Les missions qui sont rémunérées en parts fonctionnelles ne peuvent pas donner lieu à décharge de service d’enseignement. Pour le Sgen-CFDT, c’est donc bien du travailler plus pour gagner plus, et une intensification du travail qui se profile, sans se soucier de sa soutenabilité pour les agents.
Unanimité syndicale : « Le Pacte est un dispositif qui ne répond en rien aux attentes des collègues »
L’ensemble des organisations syndicales représentatives ont fait cette déclaration intersyndicale contre le pacte au ministère :
Loin de contribuer à la revalorisation attendue par toutes et tous, le pacte va conduire à un alourdissement de la charge de travail des personnels alors que la majorité des personnels est en état d’épuisement avancé.
Dans le contexte de négociation des nouveaux plans d’action Egalité professionnelle dans notre ministère, où la demande sociale est forte, le pacte porte le risque avéré d’aggraver les inégalités femmes/hommes.
Le pacte va aussi considérablement dégrader le fonctionnement des écoles et des EPLE et fragiliser les collectifs de travail par une mise en concurrence des personnels.
Nous contestons le choix du déploiement des réformes à coup de pactes au risque de traitements inéquitables des élèves dans le service public d’éducation. Cette stratégie est démultipliée pour la voie professionnelle. (lire le vœu unanime des OS contre le pacte enseignant)
Aller plus loin sur nos analyses et revendications :
- Les enseignant⋅es travaillent en effet déjà trop -> lire notre article : « Socle », « Pacte »… Les enseignants français travaillent déjà trop !
- Absences de courte durée : il faudrait mener une analyse plus approfondie -> lire notre article : Et si on parlait (vraiment !) des absences des enseignants ?
- Ce que nous portons comme revendications concernant les salaires : voir l’article complet sur le site de la Fédération des Sgen-CFDT.
Les textes officiels parus à ce jour sur le pacte
Note de service et annexes
Annexe 1 — Nomenclature indicative des missions du premier degré et du second degré
Annexe 2 — Composition de référence du Pacte au sein des lycées professionnels
Annexe 3 — Modèles de lettre de mission pour la part fonctionnelle de l’ISAE et de l’ISOE